Individu inculpé cherche travail à la Maison-Blanche
Malgré les procès, Donald Trump domine les primaires républicaines, sans y participer
DEBOUT SUR LA SCÈNE du premier débat de la primaire du camp républicain, huit candidats font face aux modérateurs. Cependant, il y a comme un vide sur le plateau de Milwaukee. Boude-t-il? Personne ne peut réellement le savoir. Une chose est sûre, les différents candidats auraient sans doute aimé se mesurer à Donald J. Trump. Pris par les affaires, et largement en tête des sondages, le 45e président des États-Unis d’Amérique a préféré ne pas participer aux échanges.
Si elle n’est pas physique, sa présence se fait tout de même sentir pendant toute la soirée. Il est même dans tous les esprits. Grand absent de l’événement, l’on pouvait penser qu’il serait attaqué de toute part. Pourtant, ce ne fut pas le cas. Novice dans l’arène politique, Vivek Ramaswamy est celui qui a attiré l’ensemble des invectives. Cela a beau être son premier tour de roue dans ce monde, Ramaswamy a bien observé les élections de 2016. Trump n’était pas sur les planches, mais chacun essayait, à son niveau, de l’incarner.
Donald Trump, large favoris des sondages
«Le changement climatique est un canular», expliquait M. Ramaswamy à l’occasion de la seule question consacrée à la question climatique. Cela vous rappelle-t-il quelqu’un? Derrière un Ron DeSantis complètement transparent, l’entrepreneur a réalisé l’imitation parfaite de l’ex-président, tant dans le fond, que dans le style. Au 30 août, M. Ramaswamy était crédité de 8% des intentions de vote, bien loin des 52% de M. Trump, mais à quelques longueurs du gouverneur de Floride (15%). Seule femme, et sans doute la figure politique la plus modérée de cette élection (seule à défendre la réalité des changements climatiques), Nikki Haley tente de refaire son retard sur les trois hommes de tête, elle qui compte 6% des intentions de vote.
Âgé de 38 ans, M. Ramaswamy essaye de surprendre Trump et DeSantis sur leur droite. Il n’a pas froid aux yeux, et sait que les projecteurs vont souvent — et c’est bien triste — à celui qui parle le plus fort. Les propositions chocs, il en a plein les bras, mais la «doctrine Vivek» est «l’exemple même des excès des débats de la société moderne», écrit Jack Shafer pour Politico. Tout est une question d’apparence.
Passage en prison
C’EST UNE AUTRE IMAGE qui fera sans doute les belles pages des livres d’histoire. Moins de vingt-quatre heures après cette joute oratoire disputée sans lui, Donald Trump posait les pieds dans une prison de l’État de Géorgie. Bien sûr, il n’y resta pas plus de vingt minutes, ce grâce au paiement de la caution, s’élevant à 200 000 $. Tout juste le temps de relever ses empreintes, et de prendre sa meilleure pose pour un shooting photo.
Un visage comme le sien en dit long, mais encore plus sur cette photo. Dans cette capture, on peut sentir une forme de défi, comme s’il voulait nous faire comprendre que ça ne lui fait rien, lui qui est persuadé d’avoir raison. Cela peut d’ailleurs être une piste de défense pour ses avocats. Comme il est certain que l’élection lui a été volée, toutes les actions qu’il a mené pour modifier le résultat officiel n’étaient pas le fruit d’une intention criminelle. Et si on en est à ce niveau…
Le voilà tout de même dos au mur. Contre lui et nombre de ses associés, quatre inculpations, dont deux au niveau fédéral. La plus solide serait l’accusation dirigée par Fani Willis, procureure de district du comté de Fulton. Le dossier, rendu par celle qui est qualifiée de «marxiste lunatique», «raciste» et de «gauchiste radicale» par M. Trump, l’accuse d’avoir orchestré une «entreprise criminelle». Un groupe semblable à la mafia.
Un marathon judiciaire en approche
Une loi bien connue des New-yorkais est utilisée par la procureure. Le RICO, ou Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act, permet de lier un ensemble de crimes différents s’ils bénéficient à une même entreprise. Cette loi contre la délinquance en bande organisée avait été appliquée par Rudy Giuliani, alors maire de New York. Ironie de l’histoire, l’ancien maire se retrouve cette fois sur le banc des accusés.
Treize chefs d’inculpation contre Donald Trump, qui risque jusqu’à 20 ans de prison. Cette affaire, qui n’a pas encore de date de procès, est l’une des plus solides. L’ex hôte de la Maison-Blanche ne cachait pas ses intentions de renverser l’élection, et les preuves ne manquent pas. L’on pense notamment à l’appel enregistré avec Brad Raffensperger, secrétaire d’État de Géorgie, qui devait «trouver 11 780 voix».
LE PREMIER PROCÈS PÉNAL contre M. Trump sera celui du 6 janvier 2021. Là aussi, les éléments inculpant ne manquent pas. Tweets, discours, l’ancien président n’a pas oublié de jeter de l’huile sur le feu, et a largement encouragé l’attaque contre les symboles de la démocratie étasunienne.
Viendra ensuite le procès de l’affaire Stormy Daniels, ou la question des paiements cachés. Dans ce qui est la première inculpation d’un ancien président américain, la défense tentera de convaincre que cela relève d’une problématique privée. Pourtant, le candidat a remboursé Michael Cohen, son «homme de confiance» de l’époque, alors qu’il était locataire à Washington. Ces paiements auraient été déguisés comme des «frais juridiques» de son entreprise, alors qu’ils auraient servi à aider à son élection. Cela est illégal dans de nombreux États, dont celui de New York, où sera jugée l’affaire.
L’ancienne star du porno ne serait pas la seule personne à qui Trump aurait acheté le silence: Karen McDougal, ancienne playmate de Playboy, est citée, et pourrait témoigner. Lors de la campagne électorale de 2016, Mme McDougal a voulu faire publier sa liaison avec Trump par le National Enquirer. Le tabloïd a préféré cacher cette relation, après un arrangement passé avec Trump et Cohen.
Deux mois plus tard, s’ouvrira un troisième procès, celui avec le plus grand nombre de chefs d’accusation contre M. Trump (40). Il sera question de sa gestion de documents classifiés, qu’il a gardé illégalement. Parmi les chefs d’accusation, la majorité concerne la «conservation non autorisée de secrets de sécurité nationale», les autres soulignant une «obstruction aux investigations» et de «fausses déclarations».
Le 14e amendement de la Constitution, stipule que toute personne qui aurait «pris part à une insurrection ou à une rébellion» contre la Constitution «après avoir prêté serment» ne pourrait occuper «de charge civile ou militaire du gouvernement des États-Unis». Tout est question d’interprétation, mais dans le cas de l’affaire du 6 janvier, le rôle de Trump se rapproche largement de celui visé par cet article.
QUOI QU’IL EN SOIT, sa campagne électorale sera largement compliquée par l’enchaînement des différents procès. À ce jour, trois des quatre bénéficient d’une date officielle. Le premier, concernant le 6 janvier 2021, ouvrira le 4 mars 2024, soit un jour avant le très attendu «Super Tuesday». Une journée pas comme les autres, car un grand nombre d’États votent en simultané. Il serait alors possible que Donald J. Trump soit virtuellement nommé candidat du Parti républicain, alors qu’un des quatre procès le visant vient de débuter.
Le suivant commencera le 25 mars. Celui concernant les documents classifiés attendra le 20 mai 2024, soit un mois avant la convention du GOP, et la désignation officielle du présidentiable républicain.
«Un énorme chaos», selon David A. Graham de The Atlantic
«Trump pourrait devenir le candidat présumé du GOP à l'élection présidentielle de 2024 en même temps que ses avocats sont au tribunal pour son procès pour avoir cherché à voler la dernière élection», écrit-il.
Tout cela ne fait pas peur au camp Trump, loin de là. Le discours du magnat de l’immobilier n’a pas changé: seul lui a la vérité. Il n’est que la victime du système et des «élites» démocrates. Comme le montre son mugshot, jouer la victime/le rebel est un des atouts à son arsenal. Pour exciter ses supporteurs les plus fervents, il continue les insultes et les menaces. Il a ainsi qualifié Jack Smith, procureur dans les affaires du 6 janvier et des documents classifiés, de «dégénéré». Alvin Bragg, qui a la charge du dossier contre Trump dans l’affaire Stormy Daniels, serait un «psychopathe qui hait les États-Unis».
Son jeu d’acteur et sa position de victime lui permettent de récolter des fonds auprès des électeurs les plus crédules. Des votants qui semblent prêts à tout pour lui, si bien que les différents procureurs, des personnalités engagées dans les procès, et même certain membre des grands jurys — dont l’identité est supposée rester secrète — ont reçu de nombreuses menaces, et doivent vivre sous protection.
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Pour l’instant, seul le procès opposant Trump à l’État de Géorgie sera retransmis en direct, à la télévision et en streaming. Pourtant, comme l’avance Anthony Coley pour Politico, il serait sans doute nécessaire de rendre l’ensemble des affaires accessible à tous. Leur diffusion permettrait au grand public (car peu sont les personnes ayant lu les différents rapports dans leur globalité) d’avoir un «accès sans filtre aux faits».
Cela donnerait peut-être une plateforme supplémentaire à M. Trump, mais une diffusion totale faciliterait la compréhension et l’acceptation du verdict final au public, surtout devant les preuves amassées. «La transparence permettra de préserver l’intégrité de notre nation», écrit celui qui a servi au ministère de la Justice sous Joe Biden.
-Dorian Vidal